Je débute en vous posant la question suivante: Dans une société où tous les individus sont dits égaux mais où certains individus ont le droit de faire changer des lois et des règles en ne mentionnant que le crédo “C’est ma religion”, n’est-ce pas là un acte discriminatoire envers tous les autres individus qui ont des adhérences autres qu'à la religion (ou aucune) et qui ne peuvent se prévaloir des mêmes bénifices?
Le Canada est un pays qui défend le droit d’une personne de croire ou d’adhérer à l’idéologie qu’il souhaite, tant et aussi longtemps que ses choix ne viennent brimer ni la santé ni la liberté d'autrui.
On appelle cela la liberté de conscience. Il n’était pas nécessaire d'ajouter “liberté de religion” à notre charte canadienne puisque la liberté de conscience inclut la religion. La religion est après tout une idée et une croyance personnelle qu'une personne choisit d’avoir et, oui, pour des millions de gens c'est beaucoup plus qu’une idée mais on ne peut pas se permettre de faire des lois basées sur ce que les gens “ressentent” en connexion avec des idées.
Notre charte canadienne (et québécoise) des droits et libertés est problématique puisqu’elle donne un statut spécial à la religion et dont les autres idées et croyances ne peuvent se prévaloir. Pourquoi? Qu'est-ce qui fait que la religion mérite un statut privilégié plus qu'une autre croyance comme le libéralisme, les fantômes, le communisme, le père Noël, le vaudou, le dieu soleil ou le conservatisme? Il faut se tourner vers l'histoire pour y répondre. Pendant des millénaires, la religion a dominé la vie des gens et c'est au courant de cette période de pouvoir absolu que la religion s’est approprié d’un statut spécial. Cependant, depuis les deux derniers siècles, cette emprise sur la société s'est éffritée pour être remplaçée par l’égalité de tous, peu importe les croyances. Au 21e siècle, il n'y a absolument aucune raison valable pour que les croyances religieuses continuent d'avoir PLUS de privilèges que TOUTES les autres croyances existantes.
Revenons au Canada, où notre charte et constitution ont été formulées dans les années '70 et passées en 1982, il y a déjà plus de trois décenies. C'était à une époque où les politiciens venaient majoritairement de parents très religieux et ces mêmes politiciens étaient en majorité croyants. Il serait naïf de dire que la religion n’a pas eu une influence majeure (quoiqu'indirecte) sur les politiques de l’époque puisqu’elle était encore trés présente dans la vie des gens. À un point tel que les groupes religieux ont grandement été consultés durant la création de la constitution et leur influence est indéniable. D'ailleurs, c’est sous la pression de l’église que la reconnaissance de dieu et entrée dans la constitution, dont fait partie notre charte des droits et libertés.
Pour revenir au moment présent, voici quatre situations actuelles au Canada qui causent l'inégalité en permettant de faire changer des lois et règlements au nom de la religion:
1) Quand un policier peut faire changer le règlement sur l’uniforme règlementaire en portant un turban (dans la GRC) ou le hijab pour une policière (Service de police de Edmonton) alors que si l'un de ses confrères des Premières nations voulait porter des plumes ancestrales au travail ou tout autre individu qui voudrait porter un autre type de chapeau pour une croyance personnelle non-religieuse, cette personne se verrait refuser sa demande. Lorsque l’État donne plus de privilège à la personne qui porte le turban ou le hijab, celle-ci devient alors un citoyen privilégié entièrement dû à sa croyance personnelle.
2) Au Canada, un sikh à le droit de porter un kirpan, une lame qui enfreint la loi de par ses dimensions. Si un individu avait une croyance absolue dans les vampires et disait qu’il devait porter une épée en argent sur sa personne en tout temps pour se protéger ou qu'un athée portait un kirpan, ce serait refusé aux deux puisque ce n’est pas au nom d’une religion. Encore une fois, c'est placer une croyance particulière au-dessus des lois de l'État et donner plus de privilèges à ces gens qu'au reste de la société.
3) Recevoir des bénéfices fiscaux de l’État lorqu'on est une religion est discriminatoire, puisque toute autre organization ne peut se prévaloir des mêmes avantages sous les mêmes critères. Un groupe qui croit fermement au vaudou n’aurait pas droit à ces avantages.
4) Il y a certains vaccins qui sont nécessaires afin d'assurer le bien commun (polio, rougeole, tétanos, etc.) Le fait de permettre à une personne de refuser d’être vaccinée ou de ne pas faire vacciner ses enfants pour des raisons religieuses met en danger le bien des autres. C'est l’État qui place encore une fois ces gens au-dessus des autres sur la base de leurs croyances personnelles.
Ces “accommodations” sont données au nom du multiculturalisme, et pourtant il est clair que ce n’est pas du multiculturalisme! C’est entièrement spécifique à la religion.
Où est-ce qu’on s'arrête? Que faire le jour où un policier dit devoir porter une passoire à pâtes sur sa tête en tout temps car cela représente un principe de sa religion, le 'pastafarianisme'? Et oui, le pastafarianisme* EST une religion, ainsi qu'un voile de Jedi. Le Jedism* est lui aussi une religion. Vous voyez l’absurdité? N'IMPORTE quoi peut être une religion et ce n’est pas à nous de juger ce qui représente ou non une religion pour les gens, ni comment profondément ils y adhèrent. Si on fait cela, c'est clairement de la discrimination entre les religions!
*Pastafarianism: http://www.venganza.org/about/
*Jedism: http://en.wikipedia.org/wiki/ Jediism
Certains diront: “Au nom du multiculturalisme, pourquoi ne pas laisser toutes les croyances avoir les mêmes privilèges?” Les gens ne réalisent pas les implications que cela aurait. Si nous faisions cela et qu’une personne disait qu’elle croit au conte de fée de Peter Pan et que s’habiller comme lui est fondamental à ce qu’elle est, nous devrions respecter son choix. Maintenant, imaginez que cette personne soit un policier ou un militaire habillé en Peter Pan avec ses symboles policiers/militaires cousus à son costume de Peter Pan! Aussi loufoque que cela puisse sembler, ce n’est pas à nous de juger les croyances d’autrui ni combien elles ont d'importance pour eux. Alors dans une société où tout serait permis au nom du multiculturalisme, vous pouvez comprendre que ce serait le désordre total.
Les individus, groupes ou entités qui choisissent de croire en une idée, qu’elle soit politique, philosophique, surnaturelle, pseudoscientifique, culturelle, religieuse ou autre, doivent prendre la responsabilité pour ce choix de croyance. C'est-à-dire que si ce CHOIX leur impose des règles qui sont asujetties aux lois fondées sur l’équité et la cohésion sociale, ils doivent accepter que cela puisse nuire à leurs opportunités en société, voir même à leur emploi. Il se pourrait aussi qu’ils ne puissent vivre au sein d'une société où l'on donne un droit égal à toutes les idées.
Le Canada serait mieux servi en adoptant la laïcité.
-- Tous les canadiens sont égaux; tous les canadiens ont le droit de croire et de pratiquer ce qu’ils veulent tant et aussi longtemps que cela n’entrave pas la liberté des autres et ne cause de douleur à personne, sans leur donner plus de privilèges et/ou de droits qu'aux autres.
-- L’État n’accommodera et ne donnera jamais de statut spécial à un individu, groupe et/ou entité pour ses idées, choix et/ou croyances personnelles.
-- Les gens ont des droits, les idées et croyances n’auront jamais de droits.
-- Le Canada est laïc, ne favorisant aucune croyance ou idée plus qu'une autre.
Le Canada a toujours été à l'avant-plan en termes d'égalité pour ses citoyens. On l'a fait pour les femmes, les personnes souffrant de handicaps, les différentes ethnicités et les homosexuels. Il est temps que nous allions dans ce même sens pour assurer que la religion ne reçoive plus de traitement spécial, puisque contrairement aux quatre premiers qui ne sont pas des choix, la religion, elle, EST un choix...
Il est grand temps que notre charte soit modernisée.